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The increasing use of cryptoassets is expected to bring many opportunities and benefits through greater competition and efficiency in financial services. At the same time, the volatility of crypto markets has fueled significant concerns for investors and consumers. In particular, the recent collapse of leading digital asset exchange FTX has spurred questions about ethical risks, including comingling of customer assets, lack of transparency, and conflicts of interest, while reigniting the debate around the regulation of crypto-assets globally. Our roundtable aims to identify and evaluate the ethical challenges and opportunities that crypto-assets pose to business and society.

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Les cryptoactifs poussent la monnaie à se réinventer, by Virgile Perret (French only)

L’essor et l’utilisation croissante des cryptoactifs interpellent les banques centrales et poussent la monnaie à se réinventer. Les cryptoactifs vont-ils faire exploser la monnaie ? Comment faire coexister la stabilité de la monnaie avec l’innovation et la diversité des cryptoactifs ? Quel rôle pour les monnaies digitales de banque centrale ? Cette réflexion s’inscrit dans le prolongement d’une table ronde en ligne organisée par l’Observatoire de la Finance, le 24 mars 2023, sur le thème After FTX collapse : can cryptoassets be ethical ?, avec la participation de Jan de Schepper (Swissquote Bank SA), Olivier Fines (CFA Institute), Eelco Fiole (Alpha Governance Partners) et Anne Haubo Dyhrberg (Université Wilfrid Laurier).

Depuis les quinze dernières années, la monnaie a été soumise à une double transformation induite par une digitalisation accélérée en même temps qu’une contestation accrue de sa légitimité dans sa fonction régalienne. L’innovation technologique a en effet permis à de nouveaux entrants digitaux (fintechs, réseaux sociaux, opérateurs de téléphonie mobile, plateformes d’e-commerce) de s’engouffrer sur le marché des paiements numériques et de concurrencer les intermédiaires traditionnels que sont les banques. C’est ainsi que l’on a assisté à l’essor spectaculaire des cryptoactifs tels que le bitcoin et les stablecoins.

Cette évolution contribue à une « désintégration de la monnaie » dans le sens où ses trois fonctions traditionnelles (unité de compte, instrument de paiement, réserve de valeur) sont de plus en plus assumées par un nouvel éventail d’acteurs privés et d’instruments spécialisés, autonomes et souvent concurrents. La multiplication des innovations privées nourrit donc des forces centrifuges qui pourraient à terme, aboutir à la fragmentation de l’espace monétaire en une multitude de circuits parallèles, remettant en cause le processus historique d’unification des systèmes monétaires autour d’une monnaie publique. Nous serions alors de retour à une situation quasi-médiévale de concurrence entre les « monnaies des princes » et des « monnaies privées » s’échangeant selon des taux de change fluctuants et sans garantie de convertibilité avec la monnaie légale.

Si la multiplication des cryptoactifs menace la cohésion des systèmes monétaires, elle ouvre néanmoins certaines perspectives d’innovations potentiellement utiles. L’utilisation de la blockchain permet notamment d’améliorer l’efficience (coût et temps) des paiements internationaux. Cela peut s’avérer essentiel pour transférer de la valeur rapidement, en quelques minutes au lieu de semaines, par exemple pour soutenir des populations vulnérables situées dans des zones de guerre (Syrie, Soudan) ou des régions dévastées par une catastrophe naturelle telle la Turquie après le tremblement de terre. Les cryptoactifs peuvent donc servir des objectifs éthiques.

Par ailleurs, les cryptoactifs permettent de « programmer » des paiements automatiques sous certaines conditions. Un champ d’application prometteur concerne les paiements via « l’internet des objets » et notamment les règlements autonomes « entre machines ». A l’avenir, un véhicule pourrait être capable de payer l’essence (ou l’électricité), le stationnement ou un péage autoroutier, de manière indépendante. De même, un conteneur maritime pourrait initier un paiement pour son propre transport, évitant ainsi beaucoup de paperasse. Il serait aussi possible de réaliser et programmer des micropaiements grâce à la disponibilité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 de la blockchain, et subsidiairement la nature globale et la possibilité de fractionner les cryptoactifs.

Toutefois, en l’absence de réglementation et d’exigences de divulgation adéquates, les cryptoactifs comportent de multiples risques liés notamment au blanchiment ou au financement d’activités criminelles, à la stabilité financière, à la gouvernance, ainsi qu’à la protection des consommateurs et des investisseurs. La tourmente dans laquelle ont été plongés les marchés des cryptoactifs en 2022 (Terra Luna en mai, FTX en novembre), s’est soldée par une « purge » et la contagion a pu être évitée. Mais il est possible qu’après cette purge, les cryptoactifs repartent de plus belle.

En raison de ces vulnérabilités, le secteur des cryptoactifs ne peut, à lui seul, prétendre remplacer le système de paiement. Plutôt que de les interdire, il serait préférable de réfléchir à la façon dont certaines de leurs fonctionnalités pourraient être intégrées au système de paiement pour en améliorer les capacités. Cela implique un nouvel équilibre public-privé pour faire naître un écosystème monétaire adaptable et dynamique, s’appuyant sur la confiance apportée par la banque centrale, tout en restant ouvert à l’ingéniosité du secteur privé. Au cœur de cet environnement, les monnaies digitales de banque centrale (à l’instar d’un euro digital à l’étude) devraient jouer un rôle pivot pour créer des passerelles avec des cryptoactifs bien régulés et débarrassés de leurs usages les plus néfastes, tout en maintenant un socle commun de confiance envers les formes hétérogènes de paiement. L’architecture à deux niveaux du système monétaire serait ainsi maintenue : la stabilité, le bon fonctionnement et la confiance sont garantis par le secteur public, avec son lot de surveillance, tandis que l’innovation et la diversité sont fournies par le secteur privé qui devrait assumer le risque correspondant.